Ramadan, certaines enseignes commerciales assument mieux que d’autres !
À l’approche du Ramadan, les rayons des supermarchés se métamorphosent pour accueillir les produits prisés durant ce mois. C’est une période propice pour les enseignes qui rivalisent de stratégies pour attirer la clientèle musulmane. Certaines adoptent une approche transparente, d’autres préfèrent rester dans le sillage d’un orientalisme marketing plus flou. De la mise en avant explicite du mot « Ramadan » à l’utilisation plus ou moins subtile de thématiques orientales, les supermarchés oscillent entre l’affirmation et la prudence. Les prospectus de 2024, tout comme ceux des années précédentes, reflètent cette diversité d’approches.
Historiquement, des marques comme Carrefour ont longtemps flirté avec des thèmes orientaux avant de choisir, dès 2012, de placer le mot « Ramadan » en couverture de leurs catalogues. Cette transition d’une représentation à l’autre traduit une reconnaissance croissante de l’importance du mois sacré pour une partie significative de leur clientèle. Cependant, toutes les enseignes n’ont pas suivi cette voie d’affirmation claire.
En 2024, un panorama des prospectus révèle que certaines enseignes continuent de privilégier une communication directe. Auchan, avec son slogan « Votre ramadan à petits prix », et Carrefour, mettant en avant « Tout le Ramadan à petits prix », assument leur cible et le lien avec le Ramadan. Géant Casino et Netto vont dans le même sens en mentionnant explicitement le mot « Ramadan ».
À l’opposé, des enseignes comme Intermarché ou Leclerc choisissent des expressions comme « Spécial orient » ou « Saveurs d’Orient », qui tout en suggérant la période festive, ne nomment pas le Ramadan de manière directe. Cette approche pourrait être interprétée comme une tentative de maintenir un équilibre entre attirer les consommateurs musulmans et ne pas exclure les autres. Cora, quant à elle, met en avant ses offres en avançant « Des offres de Génie ». Si on comprend le jeu de mot, celui-ci était-il la bienvenu ?
Certaines voix au sein de la communauté musulmane expriment le sentiment que les supermarchés, bien qu’ils cherchent à attirer les consommateurs musulmans avec des produits et des promotions ciblés pour le Ramadan, semblent réticents à communiquer directement sur l’événement en tant que pratique religieuse ou même culturelle.
Pour un segment de la clientèle, ce marketing est interprété par beaucoup de musulmans français comme si les enseignes avaient honte d’associer leur image à un événement religieux musulman, craignant que cela puisse être perçu négativement par d’autres clients ou avoir un impact défavorable sur leur image de marque globale. Ce sentiment de ne pas être pleinement reconnu ou valorisé engendre une frustration pour ceux qui souhaitent voir leur foi et leurs traditions ouvertement respectées et célébrées dans l’espace public et commercial sans que cela n’engendre aucun commentaire négatif.
L’approche marketing qui repose sur les thématiques de l’Orient suscite souvent des réactions mitigées au sein de la communauté musulmane en France. Beaucoup estiment que cette stratégie entretient des stéréotypes réducteurs, en résumant la diversité culturelle de l’islam à des images d’Orient qui ne reflètent pas leur réalité. En effet, les musulmans de France ne sont pas tous d’origine orientale ; ils sont également issus de l’Afrique subsaharienne, d’Asie, d’Europe et d’ailleurs. De plus, l’islam, en tant que foi, transcende les identités culturelles et régionales.
Carrefour, un cas complexe en cette année 2024.
Malgré les efforts de Carrefour pour adopter une communication transparente avec les consommateurs musulmans, notamment en mentionnant explicitement le mot « Ramadan » dans ses prospectus, l’enseigne fait face à un défi majeur cette année. Accusée de soutenir l’effort de guerre en Israël à cause de la distribution de produits par un de ses franchisés, la marque fait face à un boycott qui dure depuis plusieurs mois. La solidarité qui existe entre les musulmans, qui s’apprêtent à jeûner, et les palestiniens de Gaza risque de perturber sa clientèle habituelle du mois de Ramadan.
Un défi marketing qui vire au dilemme
Cette situation donne une leçon importante aux différentes marques et enseignes qui doivent comprendre que la transparence dans leur communication devient cruciales. Elles doivent clarifier leur positionnement face à des consommateurs de plus en plus attentifs aux implications éthiques de leurs achats.
La période du Ramadan en France, révèle ainsi les défis marketing auxquels les enseignes sont confrontées : répondre aux attentes des consommateurs musulmans, gérer les perceptions de leur image de marque à l’international et faire face aux dynamiques politiques complexes. Certaines enseignes assument leur engagement envers la clientèle musulmane, d’autres font preuve de plus de réserve, mais toutes sont forcées de prendre en compte un paysage commercial en constante évolution.
Les enseignes qui parviendront à allier sensibilité culturelle et clarté dans leur positionnement à l’avenir auront non seulement capturé l’esprit du Ramadan mais aussi le cœur de leur clientèle.
- Images provenant du site anti-crise.fr ↩︎